Pendant trois jours, les bibliothèques vont être célébrées partout sur le territoire. Après le succès de la première édition, l’an passé, avec plus de 2 000 événements organisés, Biblis en folie revient avec une programmation enrichie et étendue à trois jours complets, les 3, 4 et 5 octobre prochains.
Comme l’an dernier, le ministère de la Culture s’associe à France Télévisions, qui développe elle aussi une politique en faveur du livre, de la lecture et de la langue française grâce à ses émissions et ses fictions, y compris à destination des jeunes publics. Cette année, deux figures de la chaîne ont été choisis pour parrainer l’événement : Leïla Kaddour-Boudadi et Augustin Trapenard. Les deux journalistes clament leur passion pour les bibliothèques, lieu d’émancipation et de création de lien social.
Biblis en folie sont les premières journées nationales dédiées aux bibliothèques, pour découvrir ces espaces culturels à proximité de chez soi. Et vous, quel a été votre premier contact avec une bibliothèque ?
Leïla Kaddour-Boudadi : Mon premier contact avec la bibliothèque, j’en ai un souvenir très précis, c’était à La Couronne, en Charente. Je revois encore cet espace avec ses rayonnages et ma fierté aussi d’être inscrite et d’avoir une fiche cartonnée à mon nom. Chaque mercredi après-midi, ma mère m’emmenait à la bibliothèque municipale. J’ai commencé par tout simplement emprunter des livres et puis très rapidement à l’école primaire, quand il fallait faire un exposé, j’allais à la bibliothèque pour consulter les encyclopédies à disposition et éventuellement photocopier quelques pages. Je pense notamment à Tout l’univers, une encyclopédie en je ne sais plus combien de volumes que mes parents avaient fini par acheter pour que je puisse la consulter plus longuement à la maison.
Augustin Trapenard : Au-delà des nombreuses bibliothèques scolaires ou familiales dans un milieu où les livres avaient une place symbolique très importante, j’ai eu la chance d’avoir une grand-mère qui avait été bibliothécaire. Quand elle me gardait, on s’y rendait volontiers. Je me souviens d’avoir exploré ces lieux enchantés en Auvergne, en Angleterre ou à Paris, avec une curiosité et une gourmandise qui m’ont été transmises depuis tout petit. Je pense notamment à la Bibliothèque François Mitterrand, où j’ai beaucoup étudié lorsque je travaillais sur ma thèse de littérature, et qui me frappe toujours par sa majesté. Rien de plus beau, à mon avis, que ces livres vus du ciel.
La bibliothèque n'est plus simplement un lieu pour lire et emprunter des livres mais également des lieux ouverts à toutes les pratiques. Quel rôle joue-t-elle selon vous dans la vie quotidienne et dans la société ?
L.K.-B. : Quand je suis arrivée en 2010 à Paris, moi la provinciale assumée, j’ai découvert à quel point les espaces à Paris étaient exigus. Alors pour travailler j’ai commencé à me rendre dans les bibliothèques et j’ai découvert toute une population que je ne croisais pas au quotidien. Des enfants et de jeunes parents un peu esseulés, des personnes âgées, des personnes aussi qui viennent trouver dans les bibliothèques un peu de chaleur et un peu de calme aussi.
A.T. : Je suis convaincu que la culture est un puissant levier d’émancipation, que le livre crée du lien ; la diversité des propositions des bibliothèques en France et leur gratuité, évidemment, y participent. Pour ces raisons, depuis sept ans, je suis le parrain de Bibliothèques sans frontières et je parcours, dès que j’en ai l’occasion, la France et le monde entier pour témoigner de la mission de cette O.N.G : favoriser l’accès à l’éducation, l’information et la culture auprès des plus vulnérables.
Cette expérience sur le terrain, du Burundi, jusqu’en Colombie, en passant par le Liban, la Côte d’Ivoire ou la France, n’a cessé de me prouver que la bibliothèque, bien plus qu’une collection de livres, est un espace de sociabilité, un lieu de savoir mais aussi d’émancipation, un espace sécurisé où l’on est protégé du monde tel qu’il va ou ne va pas. Une bibliothèque, c’est toujours un lieu de vie, de rencontres, de partage. Et un refuge, pour apprendre, mais aussi pour créer, rêver, imaginer.
Avez-vous une bibliothèque que vous aimez particulièrement et pourquoi ?
L.K.-B : La bibliothèque de mon enfance aura toujours une place particulière dans mon cœur c’est évident. J’aime aussi la bibliothèque Françoise Sagan à côté de la Gare de l’Est, un havre de paix au beau milieu d’une jungle urbaine souvent épuisante. Elle a été mon point d’ancrage pendant quelques années, à mon arrivée à Paris. Aujourd’hui je navigue entre plusieurs bibliothèques, selon si j’ai besoin d’emprunter des livres avec mon enfant ou d’avoir accès à des livres plus spécialisés sur la photographie par exemple. J’aime le geste d’emprunter, de consulter un livre que d’autres ont eu entre les mains avant moi et d’avoir un rendez-vous régulier avec la bibliothèque.
A.T. : Je pense à toutes les bibliothèques qui ont jalonné mon parcours d’étudiant, à Paris, à Lyon, en Angleterre et aux États-Unis, qui sont sans doute celles où j’ai passé le plus de temps. Mais ma préférée reste la première médiathèque que Bibliothèques sans frontières a installé, il y a onze ans, dans le camp de réfugiés congolais de Musasa, au Burundi. C’est une bibliothèque qui a résisté au temps, aux rixes comme aux intempéries. Une bibliothèque qui est au cœur du camp, que tous ses bénéficiaires n’ont jamais cessé de protéger et auxquels ils tiennent comme à la prunelle de leurs yeux.
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