Les données du dernier baromètre du Centre national du livre, publié en avril 2025, sont sans appel : les 7-19 ans passent dix fois plus de temps devant un écran que devant un livre et près de 40 % des 16-19 ans ne lisent jamais dans le cadre des loisirs. Cependant, la réalité réserve des surprises. Avec 6,6 millions d’exemplaires réservés en 2024, le livre reste par exemple la catégorie la plus prisée sur le pass Culture et sur les grands ados, on constate un doublement du lectorat quotidien par rapport à il y a quinze ans.
Autre constat étonnant : alors que le temps de lecture recule, le rôle des bibliothèques s’affirme. « Il y a dix ans, la bibliothèque était le quatrième lieu de lecture privilégié, aujourd’hui elle est le deuxième. Dès qu’on aménage des temps consacrés aux adolescents, on voit qu’ils aiment vraiment venir », souligne Romain Gaillard, responsable du Centre national de la littérature pour la jeunesse de la BnF (CNLJ). D’après l’Observatoire de la lecture publique du ministère de la Culture, le nombre de prêts de livres jeunesse a augmenté de 29 % entre 2019 et 2024.
Des lieux plus ouverts
Loin du cliché du sanctuaire silencieux, les bibliothèques se réinventent pour attirer cette jeune génération. « Il y a quinze, vingt ans, on était dans des endroits très tournés vers l’emprunt, le travail, le silence. Aujourd’hui, il y a toujours le lieu calme, mais aussi une intégration de nouvelles pratiques. La bibliothèque devient davantage un lieu de vie », analyse Romain Gaillard. Au Havre (Normandie), la bibliothèque Oscar Niemeyer illustre ce virage. « Ici on a le droit de parler, d’avoir son téléphone. On a des espaces différenciés, avec des coins où on peut être tranquille, où on peut s’extraire du passage, mais aussi d’autres où l’on peut échanger », explique Dominique Rouet, directeur de la lecture publique à la ville du Havre.
De même, à la BnF, la salle dédiée à la littérature jeunesse gérée par le CNLJ a été entièrement réaménagée en décembre 2024. « Dès le premier trimestre 2025, la fréquentation des familles y a augmenté de 35 % », précise Romain Gaillard.
Une lecture qui fait le lien
L’innovation ne concerne pas seulement les lieux, elle touche aussi les pratiques. « L’ado peut être en rejet du côté prescripteur mais n’est pas en rejet de la lecture. Ce qui fonctionne, c’est de le considérer comme une personne à part entière, avec ses propres goûts », insiste Romain Gaillard. Pour donner confiance en eux à ces jeunes et les laisser exprimer leurs différences à un âge où le besoin d’appartenance est fort, les bibliothèques misent sur les pratiques collectives. Au Havre, la bibliothèque municipale accueille par exemple des ateliers d’écriture créative animés par l’association le Labo des histoires. À l’occasion de la prochaine édition de Biblis en folie, les 4 et 5 octobre prochains, la médiathèque de Saint-Raphaël propose elle un club de lecture pour adolescents et un club ado de jeux de société.
Inciter par d’autres moyens
Et pour ceux qui ne veulent surtout pas ouvrir un livre ? Les bibliothèques explorent d’autres chemins. Ateliers de création numérique, d’écriture de scénario pour créer son propre jeu vidéo, révision du bac, ateliers relaxation ou préparation à l’oral… Face à la concurrence des écrans, ces activités deviennent autant de portes d’entrée vers le livre. « La finalité, c’est de les faire venir. Une fois entrés, ils découvrent des ressources qu’ils n’auraient pas cherchées. On se doit de proposer d’autres choses qui s’écartent un peu des missions traditionnelles des bibliothèques. On doit dédramatiser et désacraliser la lecture, autoriser des pas de côté, pour que chacun trouve sa place », résume Dominique Rouet.
Biblis en folie au cœur des États généraux de la lecture pour la jeunesse
Le 3 juillet dernier, les ministères de la Culture et de l'Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ont lancé les États généraux de la lecture pour la jeunesse afin de remettre la lecture au cœur des pratiques culturelles des jeunes. Objectif : formuler des propositions concrètes pour redonner le goût de lire dès le plus jeune âge et jusqu’à l’entrée dans l’âge adulte. Les enfants et les adolescents seront interrogés sur leurs pratiques et sur leurs propositions notamment avec l’appui du pass Culture et des communautés éducatives.
Au-delà des jeunes, cette réflexion associera les créateurs, les familles, les professionnels du monde du livre et de la culture, de l’enfance, de l’éducation populaire, de l’enseignement, du champ social, de la santé et du handicap, ainsi que les collectivités territoriales et les associations. Le premier week-end d’octobre, Biblis en folie sera un moment fort de relais pour ces États généraux avec le 3 octobre, journée destinée aux scolaires, qui marquera un temps important de la consultation des jeunes. La restitution finale de ces États généraux aura lieu en fin d’année où un rapport contenant des recommandations sera présenté.
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